Elles avaient jusqu’au 23 novembre 2020 pour déposer leurs candidatures auprès du ministère chargé du Logement, et ce ne sont pas moins de 8 nouvelles collectivités qui se sont portées volontaires pour encadrer les loyers de leur parc privé. Dans le sillage de Paris et Lille ou l’expérimentation est déjà en cours, on assiste donc à un déploiement sans précédent de ce dispositif. Mais concrètement, où et comment cela va t-il se mettre en place ? Suite du feuilleton concernant l’encadrement des loyers rétabli par la loi Elan de 2018.

Ces nouvelles villes qui veulent expérimenter l’encadrement des loyers

Pour candidater auprès du ministère chargé du Logement, il fallait nécessairement que les collectivités réunissent quatre conditions :

  • un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le parc locatif social,
  • un niveau de loyer médian élevé,
  • un faible taux de logements commencés rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années,
  • des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements.

Selon la liste définitive publiée le 24 novembre dernier par le gouvernement, ce sont finalement 4 grandes métropoles (Bordeaux, Montpellier, Lyon-Villeurbanne et Grenoble), 3 Établissement Public Territoriaux (Grand-Orly Seine Bièvre, Plaine commune et Est ensemble) et une Communauté d’agglomération (Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart, pour la commune de Grigny) qui se sont portés volontaires. Marseille et Strasbourg ont quant à elles renoncé à leur intention initiale.

Les toits du centre-ville de Montpellier, ville candidate pour l’encadrement des loyers.

Chacune de ces collectivités a déposé sa demande soit pour l’ensemble de son territoire, soit pour une zone précise. Pour l’EPT Grand Orly Seine Bièvre, ce sont ainsi 11 communes qui vont participer à l’expérimentation. Du côté du Grand Lyon, l’expérimentation aura lieu pour Lyon et Villeurbanne alors que seul le territoire de la ville sera concerné à Montpellier.

Les dossiers déposés sont en cours d’instruction par le Ministère du logement, afin d’étudier les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation sur les territoires.

Pourquoi ces expérimentations ?

La mesure faisait souvent partie des promesses de campagne des maires concernés lors des dernières municipales, comme à Lyon ou à Montpellier. L’objectif ? Éviter les abus et stopper la hausse des loyers dans le parc privé. Car l’objectif premier n’est pas de faire baisser les prix, mais bien de contenir l’inflation locative observée dans ces villes depuis quelques années. Et ainsi garantir un accès au logement équitable et une mixité sociale. Bruno Bernard, président de la Métropole du Grand Lyon explique : « L’hypercentre de la métropole de Lyon doit rester accessible à tous. Je pense tout particulièrement aux petites surfaces souvent destinées aux personnes les plus précaires, notamment les étudiants ».

Avec un lancement prévu au mieux début 2021, les loyers des communes concernées ne devront pas dépasser un plafond défini par arrêté préfectoral. Et cela pour les baux signés ou renouvelés à partir de la date d’application du dispositif dans chaque ville. Mais des zones de niveau de loyer devront être déterminées afin de prendre en compte les disparités de territoires, comme cela a été fait à Lille et à Paris.

Pour que la mesure soit efficace, les communes concernées s’accordent également toutes sur le fait qu’un contrôle contraignant doit pouvoir s’appliquer. Car on sait que sans cela, la mesure n’aura que peu d’effet. Ainsi, Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents fait le constat suivant : « Un an après sa remise en vigueur, l’encadrement des loyers est loin d’être respecté à Paris. Ce sont malheureusement les petits logements qui sont le plus dans l’illégalité alors que ce dispositif devait justement protéger les locataires de ce type de surfaces ». Et c’est donc dans ce sens que Bruno Bernard du Grand Lyon précise : « A Paris et à Lille, il manque un process important : le contrôle. C’est pour cela qu’à Lyon, nous allons créer une brigade du logement en début d’année, qui nous permettra de contrôler les prix ». Lyon Métropole prévoit également de contrôler les locations saisonnières et les logements jugés indignes. Et ainsi faire la chasse aux logements vacants.

Des réactions mitigées

A l’annonce du déploiement de l’encadrement des loyers, des voix s’élèvent et certains professionnels du secteur s’inquiètent des effets pervers d’une telle mesure. Ils estiment que l’encadrement des loyers peut dissuader certains propriétaires d’investir et de faire des travaux. « De plus, les zones géographiques fixées par le préfet sont parfois très injustes », dénonce Frédéric Pelissolo, président de l’UNPI de Paris. On peut également craindre que pour conserver une rentabilité intéressante, une partie des propriétaires revienne à terme vers la location courte durée type « Airbnb », retirant ainsi des bien du marché classique, ou se tourne vers la location meublée avec des loyers plus élevés. D’autres pourront être tentés de revendre leur bien ou de reporter certains travaux d’amélioration, là encore avec des conséquences peu enviables pour la qualité et le volume du parc locatif. Le risque est d’autant plus fort que les prix d’achat des biens est déjà extrêmement élevé dans les agglomérations en zone tendue – précisément là où les besoins des locataires sont les plus forts -, et les investisseurs ont une marge de manœuvre très faible en termes de loyers pour que leur opération reste rentable.

Cet internaute souligne par ailleurs le risque de développement de la sous-location illégale et d’un marché noir en prenant l’exemple de la Suède :

Des arguments pas forcément valables pour les partisans de l’encadrement. On pense par exemple à Cécile Duflot qui a développé un contre-argumentaire sur les réseaux sociaux, ou les mairies des villes concernées qui préfèrent mettre en avant les bénéfices de cette mesure pour le pouvoir d’achat des locataires.

La Ministre chargée du Logement, quant-à elle, n’a pas manqué de rappeler que l’encadrement des loyers ne suffira pas à régler le problème du logement dans les zones tendues. Emmanuelle Wargon s’est en effet félicitée d’une « étape importante franchie dans le déploiement de l’encadrement des loyers ». Tout en précisant que « Les communes qui voudront encadrer leurs loyers devront aussi être volontaires dans la construction de logements. ». Un message qui s’adresse directement aux élus écologistes qui souhaitent limiter la délivrance de permis de construite. Or 3 des villes candidates à l’encadrement des loyers sont aujourd’hui des communes dites « vertes » : Bordeaux, Lyon et Grenoble. Concrètement cela signifie que si le gouvernement ambitionne de freiner l’envolée des loyers dans certaines zones tendues, les maires sont de leur côté fortement incités à délivrer d’avantage de permis de construire pour permettre le développement du parc locatif.

En fait, Madame Wargon estime que si l’État fait sa part pour soutenir l’offre de logement, il est de la responsabilité des communes d’œuvrer au développement de l’offre de logements. Dans cet objectif, la ministre a d’ailleurs évoqué la simplification des procédures d’urbanisme qui devraient être mises en place à partir de « juin 2021 » pour favoriser la construction de logements neufs. Ainsi qu’un décret qui permettra « d’effectuer des travaux sur les bâtiments existants sans avoir à demander de permis de construire ».

Dans ce contexte, il est important de suivre les décrets d’application qui officialiseront la mise en œuvre de l’encadrement des loyers pour chaque collectivité concernée. Et la publication des arrêtés qui ne manqueront pas de suivre. La loi prévoit en effet que les locataires pourront alors saisir la commission départementale de conciliation en cas de non-respect du plafond de loyer. Propriétaires bailleurs, pensez donc à vérifier attentivement les fourchettes retenues une fois l’encadrement applicable sur votre secteur. Et côté locataires, n’oubliez pas de valider ces informations au moment de signer ou renouveler votre bail.

A savoir : Un numéro vert gratuit a été mis en place par l’agence nationale d’information sur le logement. Pour toutes vos questions concernant l’encadrement des loyers vous pouvez appeler le 0805 160 111.
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