Tribune : le chaos politique va-t-il aggraver la crise de l’immobilier ?

Depuis quelques années, le marché immobilier français vit au rythme de plusieurs secousses : la hausse des taux d’intérêt, le durcissement réglementaire, les modifications  de la fiscalité… Aujourd’hui, une incertitude s’ajoute : celle du cadre politique. Le changement de gouvernement place le secteur face à une double interrogation : quelles règles demain pour investir, construire, louer, et quelle capacité de l’État à tenir ses engagements financiers ?

Quand l’incertitude bloque les chantiers

Chaque fois que l’horizon réglementaire se brouille, les promoteurs décalent leurs décisions et les investisseurs repoussent leurs arbitrages. Les particuliers, eux, sont dépendants surtout de l’accès au crédit. Or, après avoir frôlé 4 % fin 2023, les taux des crédits immobiliers tournent aujourd’hui autour de 3 % selon l’observatoire crédit logement. Mais la baisse engagée depuis 2024 semble désormais marquer une pause : les barèmes des banques oscillent entre 3 % et 3,3 % selon la durée et le profil de l’emprunteur. La détente monétaire de la Banque centrale européenne continue d’exercer un effet d’amortisseur, mais le financement n’a pas encore retrouvé la souplesse d’avant 2022.

L’offre, elle, reste grippée : autorisations de construire en recul, mises en chantier en berne, parc locatif contraint par de nouvelles obligations énergétiques. Cette faiblesse de l’offre est d’autant plus préoccupante que l’incertitude politique risque d’accentuer ces reports de projets, en ajoutant de la défiance là où les acteurs auraient besoin de clarté.

Dette et crédibilité : un enjeu qui pèse directement sur le logement

La dette publique, désormais supérieure à 110 % du PIB, est au centre du débat politique et économique. On en mesure souvent les risques à l’échelle des finances publiques ou de la croissance, mais son impact sur l’immobilier est lui aussi une réalité. Lorsque les marchés doutent de la trajectoire française, le coût de financement de l’État augmente. Les taux immobiliers, qui se forment aussi par référence aux obligations souveraines, pourraient alors finir par repartir à la hausse.

Dans le même temps, si les marges budgétaires se réduisent, les soutiens publics au logement — aides à la rénovation, dispositifs fiscaux, financement du logement social — deviennent la variable d’ajustement. Or, réduire trop vite ces leviers revient à accentuer la crise de l’offre et à ralentir la rénovation énergétique. La dette n’est donc pas seulement un sujet de Bercy : elle conditionne aussi indirectement la capacité d’une copropriété à lancer ses travaux ou d’une collectivité à bâtir du logement social.

DPE, travaux et mal-logement : une équation serrée

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, les logements classés G dans leur diagnostic de performance énergétique (DPE) ne peuvent plus être mis en location. Les classes F et E suivront en 2028 et 2034. L’arrêté d’août 2025, qui revoit le calcul pour les logements chauffés à l’électricité à partir de 2026, offrira un répit à certains propriétaires. Mais pour beaucoup, la facture de rénovation reste lourde et l’incertitude liée aux réglementations thermiques et aux aides, constamment remises en question, pousse surtout à l’inaction

Un attentisme renforcé par un déficit de confiance des propriétaires dans le DPE, dont l’image souffre des multiples changements de méthode de calcul et, parfois malheureusement, du manque de rigueur de certains professionnels. Ainsi, selon un sondage LocService de mai 2025, 42 % des bailleurs privés affirment ne plus avoir confiance dans le DPE. A cet égard, les décrets publiés en juin 2025 et visant à mieux encadrer les diagnostiqueurs, méritent d’être salués.

Dans le même temps, plus de 4 millions de personnes vivent en situation de mal-logement et près de 3 millions de logements demeurent vacants selon le rapport annuel du mal-logement 2025. Ce décalage illustre l’urgence d’une stratégie claire pour mobiliser le parc existant, accélérer les rénovations et remettre des biens sur le marché. 

Quatre priorités pour sauver le logement

Si le futur gouvernement veut résorber la crise du logement et non l’amplifier, il devra prendre des engagements clairs et durables. Voici les priorités que nous proposons :

  • La première est de garantir une stabilité du cadre fiscal et réglementaire. Sans visibilité sur cinq à sept ans, difficile de convaincre les investisseurs et promoteurs de s’engager dans un projet immobilier qui dure souvent plus d’un cycle politique. 
  • Ensuite, renforcer la fiabilité du DPE et clarifier la lutte contre les passoires thermiques. L’objectif écologique est nécessaire et doit être tenu, mais il ne doit pas se traduire par une sortie massive de biens du marché locatif faute de solutions réalistes. Des assouplissements sont indispensables pour les bailleurs de bonne foi confrontés à des blocages techniques, administratifs ou liés à leur copropriété. Concernant les aides à la rénovation, là encore une visibilité à long terme est indispensable, non seulement pour les propriétaires mais aussi pour les professionnels du bâtiment qui, faute de chantiers suffisants, souffrent de pertes d’emploi massives. 
  • Troisième priorité : maintenir le “statut du bailleur privé” prévu en 2026. Ce dispositif doit rendre l’investissement locatif plus attractif, grâce à une fiscalité mieux calibrée et plus incitative. Mais cet effet ne sera au rendez-vous que si le statut est confirmé, stabilisé et garanti dans la durée, sans remise en cause à chaque alternance politique.
  • Enfin, il faut se questionner sur l’encadrement des loyers. Ce dispositif ne peut pas, à notre sens, être l’outil central de la politique du logement, même si un récent rapport recommande de le généraliser. Sa mise en œuvre est lourde, coûteuse et décourage souvent les bailleurs. La véritable réponse à la crise du logement passe par un choc d’offre : plus de logements construits, rénovés et remis sur le marché. C’est cela qui permettra d’améliorer réellement l’accès au logement pour les ménages, et non une multiplication de règles punitives et de contraintes pour les bailleurs.

Par Charles Becquet, Directeur général de LocService.

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